
n°148 - janvier 2001
Demanière fort peu cohérente, le quotidien 24 heures titrait courant décembre dernier: «Couchepin: Zorro des locataires».
En réalité, le chef du Département fédéral de l’économie, dans le débat du Conseil national sur les «loyers loyaux» et le contre-projet du Conseil fédéral, s’est manifesté comme un fidèle défenseur de l’intérêt bien compris des bailleurs.
Il faut dire que le lobby immobilier du Parlement, qui se déploie sous le drapeau du radical zurichois Rolf Hegetschweiler, a un appétit qui confine à la gloutonnerie et à la cupidité.
Le projet du Conseil fédéral offrait aux bailleurs, comme critère principal, les loyers du marché, par des sondages statistiques, méthode dite «hédoniste» impor- tée des Etats-Unis. C’était déjà un cadeau royal pour les propriétaires et une déroute pour les locataires.
Et le Conseil fédéral ajoutait un cadeau supplémentaire aux bailleurs: un loyer supérieur de 15% au loyer fixé par le marché n’est pas abusif et peut être valablement exigé. Mais cela ne suffisait pas aux insatiables lobbyistes de la propriété. Coachés par un avocat d’affaires zurichois, les parlementaires immobiliers ont déposé maintes propositions sans même se donner la peine de cacher l’identité de leur véritable auteur.
Par exemple, ils voulaient non seulement en leur faveur les loyers du marché mais, en plus, pour le cas où le marché aurait été trop bas (!), une méthode alternative fondée sur le rendement.
Tous les efforts du conseiller fédéral Couchepin ont consisté à faire comprendre à ces avides qu’il fallait mettre des formes pour avaler les milliards. Il n’y a d’ailleurs pas complètement réussi puisque le Conseil national a voté, dans sa majorité, qu’il fallait exclure des sondages statistiques les loyers des coopératives et des immeubles propriétés de collectivités publiques. Pascal Couchepin a tenté d’expliquer, mais en vain, que ces loyers faisaient aussi partie du marché et qu’il n’était pas convenable de manger le fromage sans le pain.
Bref, le ministre Couchepin a déployé beaucoup d’énergie à conseiller aux propriétaires de conserver un minimum de bonnes manières pour leur éviter une catastrophe en votation populaire. Ce faisant, il s’est posé en élégant zorro des propriétaires et son action n’a rien à voir avec une défense sérieuse des droits des locataires. Bref, nous pouvons lui décerner un zorro de conduite.
Le Conseil national a finalement voté un texte plus défavorable encore aux locataires que le contre-projet initial du gouvernement. Mais celui-ci était de toute façon inacceptable pour les locataires. Nous ne voulons pas que, trente ans après l’introduction de la sur- veillance judiciaire des loyers (en 1972), on en revienne aux loyers du marché, c’est-à-dire à une situation de hausses explosives des loyers.
Nils de Dardel
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